LE PAYS DE LIÈGE ET LA FRANCE - LES CAUSES LOINTAINES DE LA RÉVOLUTION LIÉGEOISE DE 1789

Publié le par sorinabarjov

 

 

 

 

AVERTISSEMENT : toutes les traductions vers le polonais et le russe de mes textes personnels doivent être consultées avec prudence, car elles relèvent de la traduction dite automatique. Exemple : Liège est traduit par "KORK" en polonais (du mot allemand KORK) alors que ce mot désigne le "liège" [du liège, en liège] (du latin "levis"), en fait la matière utilisée pour fabriquer les bouchons portant ce nom. Liège (la ville et le pays) se dit Lüttich en allemand. Toute référence à mes textes devra être faite obligatoirement à leur version française d'origine.

 

 

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1.  SYSTÈME D'INSTITUTIONS POLITIQUES ET JUDICIAIRES DU PAYS DE LIÈGE DIT "PRINCIPAUTÉ ECCLÉSIASTIQUE DE LIÈGE"

 

Rien ne paraissait annoncer une Révolution dans ce pays puisque la Principauté de Liège était régie depuis le Moyen Âge par un système d'institutions libérales et démocratiques et jouissait de garanties nom­breuses des libertés individuelles.

 

Sancta Legia

"Sancta Legia Ecclesiae Filia" -  L'ancienne collégiale saint-Paul devenue cathédrale de Liège suite à la destruction de Saint-Lambert par les révolutionnaires liégeois


 

POUVOIR EXÉCUTIF

 

À sa tête, l'Évêque, élu par le Chapitre de Saint-Lambert, confirmé par le Pape et l'Empereur.

Les ministres : le Conseil privé, présidé par le Chancelier, détient le pouvoir politique et administratif.

Le Trésor est administré par une Chambre des finances.

Les membres de ces deux Conseils étaient responsables, ce qui entraînait l'irresponsabilité du Prince.

Le Chapitre de Saint-Lambert était co-souverain de l'État liégeois ; le Chancelier et la majorité des Conseillers privés étaient choisis parmi les membres du Chapitre.

 

 

POUVOIR LÉGISLATIF


Les Trois États et le Prince.

L'État Primaire, c'est le Chapitre de Saint-Lambert seulement : il représente l'ensemble du Clergé liégeois.

L'État Secondaire : la Noblesse, dite "l'Ordre Équestre", composé des chefs de familles nobles pouvant justifier d'un certain nombre de quartiers de noblesse, ils étaient seize à la fin du XVIIIe siècle.

Le Tiers-État, c’est l’ensemble des Bourgmestres des Villes : Liège (deux) et chaque Bourgmestre de chacune des Bonnes villes du Pays, la Principauté.

Un projet de loi ou d'impôt n'était exécutable qu'après signature du Chancelier et quand il y avait majorité des suffrages dans chaque Ordre et unanimité des Trois États.

Depuis le XIVesiècle le Tribunal des XXII, - composé de 22 membres élus annuellement  (4 membres du Chapitre, 4 de la Noblesse et 14 des Bonnes villes du Pays), -  sanctionnait la  responsabilité des agents de l'Exécutif et vérifiait l'application des libertés accordées par les "Paix" aux sujets. Cependant que les "États Réviseurs", composé de membres des Trois États constitués en conseil restreint, pouvaient recevoir les appels des jugements prononcés par le Tribunal des XXII.

Ce pouvoir politique liégeois était donc soumis au principe de la responsabilité ministérielle, puisque le Prince échappait à la juridiction des XXII.

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

 

Le Tribunal des Échevins, composé de juges nommés par le Princee et inamovibles,  était  présidé par le Grand (ou "Souverain") Mayeur, représentant l'Évêque. Jugeait en appel pour les affaires civiles de l'ensemble du Pays. Faisait fonction de notariat pour certaines matières civiles. Au pénal, les Échevins de Liège jugeaient "en rencharge" : ils dictaient les sentences aux autres cours de justice de l'ensemble du Pays.

Enfin, le Conseil ordinaire, depuis le XVIe siècle, s'occupait des appels avant que l'on plaidât devant les tribunaux d'Empire (la Chambre impériale, siégeant à Spire puis à Wetzlar).

 

Mais depuis 1684 le Tiers-État était réprimé :

Un Règlement communal avait alors retiré à la masse des citoyens les droits politiques pour les conférer à 576 personnes réparties en seize Chambres, composées chacune de vingt nobles, patriciens ou rentiers, dix marchands et six artisans. Le Prince choisissait parmi ces 576 personnes un des deux Bourgmestres et dix (la moitié) des Conseillers de la cité ; l'autre Bourgmestre et les dix autres Conseillers étaient présentés au Prince par les 576 personnes. Donc le Tiers-État était composé surtout d'amis du Prince et de l'aristocratie bourgeoise, d'autant que le même système électoral était appliqué dans les autres villes du Pays.

Le Tribunal des XXII, recrutant ses 14 juges représentant le Tiers parmi les anciens Bourg­mestres des villes, ne pouvait guère passer pour une institution attentive à surveiller les agissements du pouvoir princier.

La bourgeoisie liégeoise était largement représentée dans les seize Chambres, dont les places étaient conférées à vie moyennant finance par le Prince.

 

 

 

2.  STRUCTURE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DU PAYS DE LIÈGE

Pas de progrès dans l'agriculture, alors qu'ailleurs en Europe occidentale c'est la conjoncture ascendante qui caractérisait les deux derniers tiers du XVIIIe siècle (Cfr les travaux de Labrousse).

Le surpeuplement des campagnes entraînait la mendicité dans les villes.

Dans une ville industrielle comme Verviers le fossé se creusait entre la classe des entrepreneurs et la masse ouvrière.

Pauvreté des cloutiers de la vallée de la Vesdre, affluent de la Meuse.

À Liège, grave problème alimentaire : les mauvaises récoltes et la hausse des prix du blé, en 1740, 1770, 1774, 1787 et 1789 provoquèrent des situations sociales souvent tendues.

         Si l'on fait abstraction des biens communaux (24 % du sol du Pays), la propriété paysanne représentait 46 % de la propriété totale, elle était surtout importante sur les terres schisteuses et sablonneuses : Famenne, Campine, pays de Franchimont (sud de la ville de Verviers) et Ardenne.

Tandis que les terres ecclésiastiques (17 %) se situaient dans les zones limoneuses les plus riches : 31 % des terres ecclésiastiques étaient en Hesbaye (région au nord de Liège et de Huy), et 40 % en Thudinie, région devant son nom à la ville de Thuin, dans l'ouest du Pays de Liège).

Quant aux terres nobles (25 % du total des terres), elles se trouvaient dans le Condroz (sud de Liège et de Huy) à raison de 52 %, sur des sols calcareux assez fertiles.

La grande majorité des paysans propriétaires ne possédaient que de petites exploitations.

Des défrichements avaient mis en péril les droits collectifs dans le pays de Franchimont : droits d'usage sur les biens communaux, la vaine pâture, etc...

Les fermages étaient élevés : la moitié du produit net, les deux tiers du produit brut une fois décomptés les frais d'exploitation.

Les impôts étaient minimes : tailles communales légères, sauf en Campine et dans le Franchimont ; droits seigneuriaux faibles.

Mais la dîme était lourde à supporter. Souvent propriété de laïcs qui n'exécutaient pas les charges inhérentes à sa perception, elle existait sous la forme de la "grosse dîme", frappant les céréales et le gros bétail (9 % du produit brut, la "onzième gerbe"), mais elle n'était guère critiquée ; et sous la forme de la "petite dîme", sur le houblon, les pommes de terre et les produits du petit élevage, dîme considérée comme "odieuse" (d'où climat de mécontentement dans les campagnes).

La mauvaise répartition de la fiscalité de l'État liégeois, due à l'exonération des Ordres privilégiés, s'accompagnait du recours exclusif, dans les Villes, aux impôts indirects (bière, vin, viande... ; droits de douane "au 60e denier" de la valeur des marchandises exportées ou importées) qui pesait d'autant plus fortement sur les budgets modestes.

 

3.  RÉVOLUTION INTELLECTUELLE

Aucun mouvement intellectuel notable n'était à signaler dans le Pays de Liège, malgré une certaine liberté de la presse. En 1755, Pierre Rousseau (de Toulouse) lança le Journal encyclopédique. Condamné par le Synode, le journal s'installa finalement à Bouillon, à deux pas de la France, et continua à être lu dans le Pays de Liège.

En 1769, l'élection épiscopale de Velbruck, franc-maçon, protecteur des lettres, fut favorable aux Lumières.

Signalons aussi le rôle des imprimeurs liégeois : contrefaçons liégeoises des livres, dictionnaires et autres ouvrages prohibés en France (Diderot, abbé Raynal, surtout J.J. Rousseau).

En 1785 vit le jour le Journal général de l'Europe, publié dans la petite ville de Herve (Pays-Bas autrichiens, à l'est de Liège) par Lebrun (dit Lebrun-Tondu, futur girondin français, originaire de la Principauté de Liège), journal imprimé à Liège, favorable aux philosophes et aux réformes fiscales prônées par les physiocrates. Dès 1785 la Ville de Verviers possédait son club politique, fréquenté par des intel­lectuels mais non par des industriels notoires, réclamant des réformes allant dans le sens d'une magistrature constitutionnelle "conformes aux privilèges"1.

Signalons le rôle réactionnaire des Jésuites (De Feller, Brosius) qui attaquaient dans leurs journaux les réformes du despote éclairé Joseph II d'Autriche (l'empereur) et traitaient les Patriotes liégeois de "singes des Français", toutes critiques qui contribuaient à faire lire les écrits de leurs adversaires. Dans le Pays de Liège, le facteur intellectuel cédait le pas au facteur économique et social.

 

 


1 P. LEBRUN, L'industrie de la laine à Verviers, Liège, 1948, p. 87, n. 1.


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