LE MYTHE DE LA CHARTE D'ALBERT DE CUYCK - PRÉTENDUE CONFIMATION DE 1298 DU SOI-DISANT "DIPLÔME DIT DE PHILIPPE DE SOUABE DE 1208"

Publié le par sorinabarjov

Attention : toute version polonaise, russe ou roumaine de ce texte est fatalement fautive, car elle a été faite par des inconnus avec la traduction automatique de Google. Elle n'a donc aucune valeur scientifique et je ne peux la reconnaître comme mienne. UWAGA !

 

 

En 1298 l'évêque Hugues de Chalon (1295-1301), qui devait son siège au pape, assista à Aix au couronnement du roi de Germanie Albert de Habsbourg (1298-1308)1.

Hugues se fit reconnaître par son seigneur le droit de remplacer les échevins qui s'opposaient, ainsi que le chapitre et la cité, à sa "mauvaise monnaie", préférée par les classes populaires réglant ainsi leurs dettes à moindres frais2. Par ses lettres des 5 et 7 septembre 1299, le roi autorisa l'évêque à conti­nuer de frapper la monnaie incriminée3.

  Unis par une hostilité commune envers Jean d'Avesnes, comte de Hainaut, qui cherchait à s'emparer de la Hollande-Zélande, Hugues de Chalon et Albert de Habsbourg s'allièrent (décembre 1299) et combattirent ainsi par le fait même la cité de Liège et les autres villes du pays, alliées à leur ennemi commun. Pour diviser l'adversaire, le roi Albert accorda aux cours de justice des villes liégeoises de ne plus aller en rencharge4 à ceux de Liège, la Souveraine Justice, à l'époque en très bons termes avec le Conseil de la cité5.

  C'est dans ce contexte politique qu'Albert de Habsbourg aurait confirmé à Nuremberg le 9 décembre 1298 le prétendu "diplôme de 1208"6.

  Inutile de dire que cela tient de l'invraisemblance, puisque le roi de Ger­manie est à cette époque un adversaire résolu de la cité.

  Avec Despy7nous remarquons que cette soi-disant "confirmation" ressemble étrangement à celles "de 1208" et "de 1230".

  Même invocation, suscription royale presqu'identique suivie d'un salut (in perpetuum). Préambules presque sem­blables. De même les notifications. L'exposé imite celui "de 1230".

  Le dispositif, qui ne contient pas les vingt-six articles de la prétendue "charte d'Albert de Cuyck", ressemble à ceux "de 1208" et "de 1230".

  Quant au protocole final, il est tout à fait différent, puisqu'il se compose d'une longue clause pénale, menaçant de la colère royale en cas de non observation de la teneur du "diplôme", suivie d'une date avec l'indiction précédant le millésime, contrairement à celles des deux autres prétendus "diplômes". Alors que, dans l'acte dit "de 1230", on ne mentionne pas celui qui est prétendument "de 1208", — si ce n'est la référence "à l'imitation de nos prédécesseurs"8, — le texte dit "de 1298" donne les noms de ces rois9.

  Pas davantage que les deux "diplômes" prétendument antérieurs, la "confirmation par Albert de Habsbourg" ne comporte de liste de témoins.

  Au point de vue de la diplomatique, cet acte est aussi suspect que les deux autres. Tous ont été fabriqués plus tard qu'à leur prétendue date, dans un but que je me propose d'étudier ci-après.

  Remarquons que les trois rois de Germanie concernés ont un point commun. Ils sont tous les trois des Staufen ou apparentés à eux. En effet, Albert de Habsbourg était marié à Élisabeth de Bavière, fille du second mariage de la femme de Conrad IV (fils de Frédéric II et père de Conradin) ; il était aussi le beau-frère de Frédéric de Thuringe, petit-fils de l'Empereur "Antéchrist" par sa mère Marguerite de  Hohenstafen10. Il fallait aux faussaires trois noms de rois de la même famille pour rendre vraisemblable le produit de leur imagination intéressée.

 

 

1 Albert de Habsbourg avait succédé à Adolphe de Nassau après l'avoir assassiné.

2 FAIRON, Régestes..., t. 1er, pp. 135 sv. et t. 2, pp. 53 sv. ; — LEJEUNE, Liège et son Pays..., pp. 42 et 293 sv.

3 FAIRON, Régestes..., t. 2, pp. 53 sv. ; — LEJEUNE, Liège et son Pays..., p. 42. — C'est sans preuve que  Yans (Les privilèges impériaux de 1299 et les villes liégeoises, dans le Bulletin de la Commission Royale d'Histoire, t. 116, Bruxelles, 1951, pp. 267-299) jette le doute sur l'authenticité des diplômes favorables à Hugues de Chalon.

4 Aller en rencharge : obligation pour les cours de justice scabinales des villes et villages de la Principauté de Liège de transmettre les dossiers des affaires criminelles (meurtres, délits graves...) à leurs supérieurs, les Échevins de Liège.

5 FAIRON, Régestes..., t. 1er, pp. 135 sv. ; — G. DIGARD, Philippe le Bel et le Saint-Siège de 1285 а 1304, éd. F. LEHOUX, t. 2, Paris, 1936, pp. 33 sv. ; — LEJEUNE, Liège et son Pays..., p. 42. — Sur l'épiscopat d'Hugues de Chalon, cfr MARCHANDISSE, La fonction épiscopale à Liège..., pp. 174 sv. — Sur les rapports évêque-empereur, cfr MARCHANDISSE, Op. cit., pp. 519 sv.

6 Texte dans FAIRON, Régestes..., t. 1er, pp. 136 sv. ; — KURTH, Les origines..., pp. 301 et 303.

7 DESPY, La charte d'Albert de Cuyck..., pp. 1081 sv.

8 Texte dans FAIRON, Régestes..., t. 1er, pp. 16 sv. ; — DESPY, Op. cit., p. 1082.

9 FAIRON, Régestes..., t. 1er, p. 136 ; — DESPY, Op. cit, p. 1082.

10 DIGARD, Philippe le Bel..., t. 1er, p. 377.

 


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